Le Kronprinz de Bavière a décidé que ses troupes affronteront les Français le 20 août, forçant la main à Moltke qui souhaitait attendre encore un peu. Ses corps d'armée sont alors alignés le long de la Nied, de la Rotte et de la Sarre sur des positions bien préparées, renforcés par six divisions d'Ersatzn depuis le 15 août, avec le soutien à l'ouest de la garnison de Metz prête à faire une sortie et à l'est de trois corps de la 7e armée qui arrivent par le col de Saverne. Dès le 18, les Allemands bloquent les Français dans les vallées alsaciennes et le corps de cavalerie au nord-est de Sarrebourg. Le 19 août, les 16e et 8e corps français arrivent à portée des canons allemands sur le canal des Salines et sur la Sarre.
Le 20 dès 4 h du matin, quatre corps d'armée allemands (3e bavarois, 21e, 2e bavarois et 1er bavarois de réserve) contre-attaquent les trois corps de la 2e armée française de Chicourt à Loudrefing, l'artillerie allemande frappant les batteries et les bataillons français, mettant en déroute tout le 15e corps et capturant une partie de l'artillerie du 20e (bataille de Morhange). Castelnau ordonne à 10 h 10 un premier repli général, puis à 11 h 45 la retraite du 16e corps vers Lunéville, du 15e sur Dombasle et du 20e sur Saint-Nicolas-du-Port, y compris de nuit. Le 21 au soir, toute la 2e armée est revenue dans la vallée de la Meurthe (dont le génie prépare la destruction les ponts), avec le corps de cavalerie sur sa droite.
« Forte pertes dans tous les corps [...]. Le moral est très déprimé chez tous, officiers et soldats. L'infanterie désespère du concours de l'artillerie, elle a subi dans certaines compagnies des pertes à 80 % par le feu d'artillerie, sans avoir pu tirer. Par suite de son état de fatigue physique et morale, la 29e division est actuellement hors d'état de fournir un nouvel effort offensif et même de fournir une défense énergique. Repos indispensable. »
— Rapport d'Espinasse (chef du 15e corps) sur les combats autour de Dieuze le matin du 20 août14.
Plus à l'est, la 1re armée française se heurte aux positions fortifiées allemandes établies sur les hauteurs au nord-est de Sarrebourg et n'arrive pas à franchir la Sarre le matin du 20. À partir de 11 h, c'est aux trois corps d'armée allemands (1er bavarois, 14e et 15e) de contre-attaquer, forçant les 8e, 13e et deux brigades du 21e corps français à battre en retraite70 (bataille de Sarrebourg). La 1re armée recule d'une quinzaine de kilomètres, y compris dans la vallée de la Bruche, mais conserve ses positions plus à l'est sur le Donon. Cependant, à la suite de l'échec de la 2e armée, Dubail donne l'ordre de se replier sur Blâmont le 21.
Le gal de Maud'huy adresse le compte rendu suivant « textuel » :
À la suite des combats précédents, la 16e division ne se compose plus guère que de débris, leur valeur a sensiblement baissé par suite des pertes subies et manque d'officiers et de médecins. Elle ne peut être considérée que comme un soutien artillerie.
L'énergie bien connue du gal de Maud'huy donne à ces déclarations une valeur particulière.
— Rapport de Castelli (chef du 8e corps) sur les combats du 20 août près de Sarrebourg.
Pour les généraux que le commandement juge inefficaces, ils sont « mis à la disposition du ministre » (ce sont les premiers limogés) et remplacés quelques jours après les combats comme l'échec de Morhange avec celui d'Espinasse (15e CA),
Réactions de la presse
Le 14, le communiqué français informe que « Les projectiles de l'artillerie lourde allemande sont très peu efficaces. [...] Nous répétons en outre que l'effet moral est nul ».
Les gros titres réapparaissent avec l'offensive en Lorraine ; le 21 août au soir, la bataille de Morhange (du 20) est présentée comme une petite affaire :
« En Lorraine, la journée d'hier a été moins heureuse que les précédentes. Nos avant-gardes se sont heurtés à des positions fortes et ont été ramenées par une contre-attaque sur nos gros qui se sont solidement établis sur la Seille et sur le canal de la Marne au Rhin ».
Les unes du 22 août sont encore plus sobres : « En Lorraine nos troupes se replient ; en Alsace le succès français est grand ».
À la suite de cette annonce de la défaite française en Lorraine, deux journaux parisiens désignent les hommes du 15e corps, venant de Provence (29e DI de Nice, Antibes et Marseille ; 30e DI d'Avignon, Nîmes et Aix), comme responsables de l'échec français, malgré un démenti du gouvernement.
« Un incident déplorable s'est produit. Une division du 15e Corps, composée de contingents d'Antibes, de Toulon, de Marseille et d'Aix, a lâché pied devant l'ennemi. Les conséquences ont été celles que les communiqués officiels ont fait connaître. Toute l'avance que nous avions prise au-delà de la Seille, sur la ligne Alaincourt, Delme et Château-Salins a été perdue ; tout le fruit d'une habile combinaison stratégique, longuement préparée, dont les débuts heureux promettaient les plus brillants avantages, a été momentanément compromis. Malgré les efforts des autres corps d'Armée, qui participaient à l'opération, et dont la tenue a été irréprochable, la défaillance d'une partie du 15e Corps a entraîné la retraite sur toute la ligne. [...] »
— Auguste Gervais, « La vérité sur l'affaire du 21 août : le recul en Lorraine », dans Le Matin du 24 août.
« [...] Notre 15e Corps a cédé à un moment de panique et s'est enfui en désordre sans que la plupart des officiers aient fait paraît-il tout ce qui était de leur devoir pour l’empêcher… On connaît la nature impressionnable des méridionaux. Ils sont capables d'aller jusqu'aux extrémités de la vaillance et je suis sûr qu'à l'heure présente, ils ne souhaitent rien tant que de se réhabiliter ; Ce jour là ils ont déplorablement failli et paraît-il avec trop d'ensemble. Qu’on les encadre et qu'on les mène au plus fort du feu pour leur donner sans retard la chance de réparation à laquelle leur passé leur donne droit ! »
— Georges Clemenceau, éditorial de L'Homme libre du 25 août 1914.
Ce qui fait dire à Maurice Bertrand, « Le maire d'Aix-en-Provence à Gervais », dans Le Petit Provençal du 26 août
« Il s'est trouvé un homme, un sénateur indigne du nom de Français, insulteur de ceux qui sont stoïquement tombés, insulteur de la douleur de ceux qui restent ! Vous vous disiez peut-être, monsieur, qu'étant à peu près tous morts au feu ou blessés, il ne resterait plus un enfant de cette « aimable Provence » pour vous faire rentrer vos insultes dans la gorge ? ... Je viens vous demander quel intérêt si puissant vous portez aux Allemands d'aujourd'hui pour avoir écrit l'article infâme ? J'attends votre réponse. »
A lire aussi l'article du Républicain Lorrain de ce jour en page 3 de l'édition de Sarrebourg