Le Plat Principal
57590, France
Depuis plus d’un siècle, la publicité, l’industrie du luxe et les médias ont contribué à faire des objets du quotidien de véritables fétiches, transformant ces derniers en objets de désir. Tout au long du XXème siècle jusqu’à nos jours, de nombreuses pratiques artistiques nous ont donné l’occasion de nous concentrer réellement sur l’aspect de ces objets, ceux-là même que nous utilisons généralement de manière machinale.
Magali Reus développe depuis une dizaine d’années un travail sculptural perturbant les habitudes du regard et des sensations liées à notre rapport au design, omniprésent dans un monde utilitaire fondé sur la consommation de masse. Par hybridation ou rapprochement d’objets conceptuellement et matériellement incompatibles dans leur fonctionnalité respective, elle crée des ensembles qui, bien que reconnaissables, perturbent nos habitudes de consommateurs/utilisateurs d’objets.
Prenant comme source des objets utilisés par tou.s.tes (sièges, réfrigérateurs, tables, panneaux, lampadaires…) qu’elle reproduit grâce à des procédés industriels sophistiqués toujours doublés d’un travail manuel à l’atelier, Magali Reus crée d’étranges sculptures mutantes n’appartenant à aucun code d’utilisation. Ses sculptures s’apparentent alors à des ustensiles autonomes sans fonction. Plus largement, elles entretiennent un rapport ambigu avec le design quotidien permettant à l’artiste de questionner les hiérarchies à l’oeuvre dans le monde.
L’autonomie de ses sculptures qui ne doivent de compte à personne puisque sans utilité, échappe aux contraintes auxquelles sont soumis les objets, pour leur permettre une certaine émancipation. Objets d’art visuellement proches du ready-made, l’intention de l’artiste consiste à ramener la beauté de l’objet dans le domaine de la sculpture et de la contemplation, tout en questionnant le rapport que chacun entretient avec la neutralité des formes usinées.
Au sein d’une culture post-moderne plaçant au même niveau design, ready-made et sculpture traditionnelle, il demeure une certaine perplexité quant à la manière dont nous catégorisons ces différents statuts, notamment lorsque nous questionnons leur valeur. C’est à partir de cette perplexité que l’artiste joue avec les codes du design de masse et de la sculpture, en entretenant toujours une subtile confusion entre fabrication artisanale et production technologique.
Chez Magali Reus, comme chez de nombreux artistes de sa génération, la « nature » perd sa connotation essentialiste et se comprend comme une fabrication de l’esprit, modulable et adaptable de la même manière que l’artifice des créations humaines. À l’équation artisanat/technologie de pointe, l’artiste incorpore des éléments biologiques par la représentation de fruits, légumes, champignons et autres plantes venant toujours plus s’immiscer dans la solidité de la résine et des matériaux composites constituant la majorité de ses œuvres. Il s’agit moins ici de « nature morte » que de représentation d’une hybridité figée, de l’expression de la fossilisation d’un concept de nature devenu obsolète. Dans un certain sens, les créations de Magali Reus insistent sur la porosité entre nature et culture et reflètent leurs interactions aussi étranges, merveilleuses ou dangereuses qu’elles puissent paraître.
À Delme, village rural traversé par le va-et-vient incessant des camions de fret, environné d’une agriculture intensive désormais indispensable, mais où une certaine idée de la campagne authentique parvient malgré tout à...
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- Du samedi 11 mars 2023 14:00 au dimanche 4 juin 2023 18:00
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